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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/150

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Ne put sur mon dos s’ajuster,
Ni je n’eusse pu le porter ;
Par bonheur je vis une hotte :
Mon père dedans on fagote,
Et tous nos dieux avecque lui ;
Puis, un banc me servant d’appui,
On charge sa lourde personne
Sur la mienne, qui s’en étonne,
Et fait des pas mal arrangés,
Comme font les gens trop chargés.
Mais qui diable ne s’évertue,
Quand il a bien peur qu’on le tue ?
Nous voilà tous sur le pavé ;
Sur mon dos mon père élevé
Nous éclairait de sa lanterne,
Qui n’était pas à la moderne :
Elle venait du bisaïeul.
De l’aïeul de son trisaïeul.
Ma Créuse venait derrière.
Chaque valet et chambrière,
De crainte d’être découverts,
Allèrent par chemins divers.
Je menais mon cher fils en laisse,
Pour lequel je tremblais sans cesse.
Enfin, par chemins écartés,
Des moindres bruits épouvantés,
Nous marchâmes devers la porte.
Quoique j’aie l’âme assez forte,
Et que, dans le fer et le feu,
D’ordinaire je tremble peu,
Chargé de si chères personnes,
Je fis cent actions poltronnes :
Au moindre bruit que j’entendais,
Humble quartier je demandais.
Mon bon père en faisait de même,
Et crois qu’en cette peur extrême,
Dans la hotte un autre que lui
Aurait fait ce que par autrui
Roi ni reine ne pourrait faire.
Le feu, qui notre troupe éclaire,