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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/208

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Le long d’un rivage habité
Par gens remplis de cruauté,
Les Cyclopes, race revêche
Et fort friands de la chair fraîche.
Cette plage a pourtant un port
Qui n’est pas de mauvais abord,
Assez à couvert de l’orage,
Mais fâcheux pour le voisinage
D’Etna, le soupirail d’Enfer,
Qui fait tout le monde étouffer,
Quand d’une odeur de poix-résine
Il emplit la terre voisine ;
Et souvent, ce qui n’est pas jeu,
D’une grosse grêle de feu
Cet Etna rote mousquetades,
Fait entendre des pétarades
Capables d’assourdir les gens,
S’ils ne sont assez diligents
De se tirer loin de l’orage,
Et plier vitement bagage
Pour éloigner ce trou maudit,
D’où sortent, à ce qu’on m’a dit,
Des quartiers de roches fondues,
Des cendres partout épandues,
Cotrets et fagots allumés,
Et brandons anti-parfumés.
L’on m’a raconté qu’Encelade,
Pour avoir planté l’escalade
Contre le palais azuré,
Est sous ce mont claquemuré ;
Et, quand ce vaste corps soupire,
Et de gauche à droit se revire,
Que la Sicile horriblement
Tremble jusqu’en son fondement,
Et que c’est alors qu’il sanglote,
Que le mont coups de foudre rote
Et tire des coups de canon.
Si cette histoire est vraie ou non,
Elle est toujours bien inventée ;
C’est ainsi qu’on me l’a contée.