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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/219

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J’en ai pris le noir hoqueton,
Et n’ai plus rasé mon menton.
Cher papa, qu’aviez-vous à faire
Une action si téméraire.
Et qu’on ne peut faire deux fois ?
En vous seul je me consolois
De ma fatale destinée :
Puisque la vôtre est terminée,
Que pour moi vous êtes perdu
Et ne me serez point rendu,
Si quelqu’un me voulait apprendre
Comme il faut faire pour se pendre,
Très volontiers de sa leçon
Je lui payerais la façon ;
Au lieu que, pauvre exilé, j’erre
De mer en mer, de terre en terre.
Hélas ! le prophète Hélénus,
Dans les discours qu’il m’a tenus,
Ne m’en dit pas une parole,
Ni même Céléno la folle ;
Et néanmoins cette guenon
Me dit au nez pis que mon nom,
Et me menaça de famine,
L’irrassasiable vermine !
Ayant mis mon père en repos,
Et le vent soufflant à propos,
J’abandonnai ce lieu funeste.
Madame, vous savez le reste :
Le vent, devenu furieux,
M’a fait aborder en ces lieux,
Où ma flotte bien hébergée
Vous sera toujours obligée".
Ainsi finit maître Aeneas,
De conter si longtemps si las,
Et si pressé de faire un somme
Qu’il bâillait toujours, le pauvre homme !
Dame Didon bâillait aussi
(Car qui voit bâiller fait ainsi).
Non moindre fut la bâillerie
Qu’avait été l’ivrognerie :