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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/243

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On ne rime pas comme on veut
Mais seulement comme l’on peut).
Cette conteuse de nouvelles
En fit partout courir de belles
Tant d’Aeneas que de Didon,
Publiant qu’elle avait fait don
De sa personne à maître Enée,
Et cela, par bon hyménée ;
Et qu’Aeneas, de son côté,
S’était sottement garrotté ;
Que ce restaurateur de Troie
Se donnait bien fort au cœur joie
Avec la dame, et que tous deux,
Sans se mettre en peine si d’eux
Sortiraient les deux républiques
Par lesquelles, à coups de piques,
De dagues, masses, flèches, dards,
Sont tombés tant de bons soudards,
Ne s’amusaient plus dans Carthage
Qu’à vaquer à leur mariage,
Et passaient les jours tout entiers
A faire des héritiers.
Leurs courtisans faisaient de même,
Tout était veille de carême,
Les vendredis et samedis,
Comme les lundis et mardis.
On n’entendait que sérénades,
On ne voyait que mascarades,
Faire festins, danser ballets ;
Fous les maîtres, fous les valets.
Tout allait en cour par écuelles.
Tant les messieurs que les donzelles,
Les donzelles que les messieurs,
Faute d’exercices meilleurs,
S’appelaient : Mon petit cœur gauche,
Faisaient jour et nuit la débauche.
Les plus morigénés d’eux tous
Pouvaient passer pour de grands fous,
Et Didon était résolue,
Dût-on l’appeler dissolue,