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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/258

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Belle qui pleurez par les yeux,
Ou parlez moins, ou parlez mieux.
Vous m’assassinez de reproche,
Vous m’appelez un cœur de roche :
Je n’en ai jamais eu pour vous
Que de mouton, et des plus doux.
Je ne veux point nier ma dette :
J’en ferai sonner la trompette,
Publiant, ici comme ailleurs,
Qu’on ne voit point de gens meilleurs
Que les habitants de Carthage,
Si ce n’est qu’ils ont le visage
Un peu tanné, sauf votre honneur,
Et tirant sur le ramoneur,
Le nez un tant soit peu trop large,
Et la lèvre avec trop de marge,
Et je ne sais quelle senteur
Qui tient bien de la puanteur ;
Mais ce petit défaut s’excuse
En une nation camuse,
Et votre petit nez de chien
N’a jamais offensé le mien.
Quant à moi, pour des choses telles,
Que je traite de bagatelles,
Je ne partirais point d’ici,
Si les Dieux le voulaient ainsi,
Et passerais bien une année
En cette terre basanée.
Mon Dieu, que les chats y sont beaux !
Je veux en charger mes vaisseaux,
Et veux acheter de vos barbes.
Pour me souvenir des Alarbes.
Alors que je les monterai,
Croyez, Madame, que j’aurai
De Votre Majesté mémoire ;
Par ma foi, vous le devez croire.
Donnez donc trêve à vos beaux yeux ;
Ne pleurez plus, vous ferez mieux.
Vous m’avez parlé d’hyménée
Avec un certain maître Enée ;