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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/296

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Didon voulut le jour lorgner,
Mais il fallut bientôt cligner.
Elle voulut par bienséance
Faire à sa sœur la révérence,
Mais elle en eut le démenti
De son corps trop appesanti.
Trois fois sa mourante paupière
S’ouvrit, pour chercher la lumière,
Et, l’ayant vue, elle lâcha
Un soupir, et ses yeux boucha.
Junon, voyant la mort camuse
Qui trop cruellement s’amuse,
Comme se plaisant à son jeu,
A tuer Didon peu à peu,
Elle appela sa messagère
Iris, déesse fort légère.
Iris venue, elle lui dit :
"Va-t’en couper le fil maudit
De ma Didon infortunée.
Elle avance sa destinée,
C’est pourquoi son âme ne peut
Sortir aussitôt qu’elle veut,
Et sans doute la Parque grise,
Qui se fâche d’être surprise,
Ne veut pas jouer du ciseau."
Aussi légère qu’un oiseau,
Et d’un beau satin de la Chine
Enrichissant sa bonne mine,
Iris vint au commandement
De la dame du firmament,
Où Didon, tout agonisante,
Sur son triste grabat gisante,
Languissait fort cruellement,
Expirant je ne sais comment.
Elle trouva la pauvre dame,
Dont le corps, luttant avec l’âme
Avec d’incroyables efforts,
Souffrait à la fois mille morts.
Lors elle dit : "Je te délivre
De tout ce qui te faisait vivre.