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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/315

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Qu’entre les autres il passa,
Et de beaucoup les devança.
De près le suit le sieur Cloanthe,
Dont la galère est plus pesante,
Mais aussi de rameurs plus fort.
Après eux, de pareil effort,
Le grand Centaure et la Baleine
Voguent de carène en carène ;
Tantôt l’une prend le devant,
Puis l’autre qui la va suivant,
De suivante devient suivie,
Et toutes, de pareille envie,
Non pas avec pareil succès,
Courent au gain de leur procès.
Déjà ces amis adversaires,
D’ailleurs hommes très débonnaires,
Voyant qu’ils approchaient le but,
S’entre-regardaient comme au rut
Les gros marcous s’entre-regardent,
Où de leurs griffes ils se lardent.
Chacun en son cœur souhaitait
Que la galère qui portait
Chaque prétendant et sa bande,
Allât où le diable commande,
Ou du moins au fond de la mer.
Chacun se tuait de ramer.
Gyas, qui croit que son pilote,
Comme un vieil fou qu’il est, radote,
De ce qu’en mer il s’élargit,
Aussi fort qu’un lion rugit,
Et s’écrie, écumant de rage :
"Serre, serre donc le rivage,
Fils de putain de Ménètus ;
Serre, ou bien nous sommes victus.
Serre donc, serre à la pareille."
Ménètus fait la sourde oreille,
Et s’éloigne toujours du bord,
Et si pourtant il n’a pas tort :
Habile qu’il est, il redoute
Certains rocs, où l’on ne voit goutte,