Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/32

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C’était pour adoucir les cœurs,
Et les barbaresques humeurs
De la nation tyrienne,
En faveur de la gent troyenne.
Jupiter, ainsi faisant, prit
Le dessein d’un homme d’esprit ;
Car si Didon mal informée
D’Enée et de sa renommée,
De l’intention du Destin,
Et qu’il était cher à Jupin,
Si, dis-je, cette Dame Elise,
Comme de vrais péteurs d’église,
Les eût chassés de son Etat,
Leur eût refusé tout à plat
Dans son pays une retraite,
C’est une chose claire et nette
Qu’elle eût lors à Jupin rendu
Un déplaisir non attendu,
Dont elle aurait pu lui déplaire ;
Mais elle leur fut débonnaire
Jusqu’à, dit-on, faire en cela
Tout ce qu’il faut, même au-delà.
Cependant notre maître Enée,
Ayant eu mauvaise journée,
Eut encore une pire nuit :
A peine le soleil reluit,
Qu’il veut voir si de ce rivage
Le peuple est civil ou sauvage,
Et savoir si les habitants
Sont chrétiens ou mahométans.
Il se leva donc à la hâte,
Ne menant avec lui qu’Achate,
Qui prit en ses mains en tout cas
Deux dards et son grand coutelas,
Afin d’être toujours en garde.
Je vous oubliais par mégarde,
Qu’il mit sa flotte en un endroit
Que personne ne trouveroit,
Si ce n’était par nécromance,
Et qu’il fit expresse défense,