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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/340

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Le soutenant de ses deux bras
"Il fallait, mauvais Fierabras,
Il fallait connaître son homme
Devant que de s’y frotter, comme
Vous avez fait contre celui
Qui vous détruisait aujourd’hui,
S’il n’était aussi débonnaire
Qu’il est invincible adversaire.
Ne sentez-vous pas en sa main
Quelque chose de plus qu’humain,
Et que quelque dieu le protège ?
Allez, mon beau gourmeur de neige,
Vous faire vitement panser,
Et tâchez de n’y plus penser."
A ce discours, le pauvre drôle,
Le chef tout penchant sur l’épaule,
Les yeux pochés au beurre noir,
Lui dit tout bas : « Jusqu’au revoir. »
Il n’en put dire davantage,
Et même n’eut pas le courage
De porter la main à ses dents
Pour voir s’il en restait dedans.
Sa barbe était toute rougie
D’une piteuse hémorragie,
Et son nez, de coups écaché,
Se vidait sans être mouché.
Les Troyens vinrent, qui le prirent,
Et, le prenant, tel mal lui firent,
Car son corps était tout meurtri,
Qu’il fit un pitoyable cri.
Le coutelas et la salade
Tinrent compagnie au malade
Pour consoler son nez cassé,
Et le bœuf du prix fut laissé
Pour la récompense d’Entelle,
Qui fit une harangue telle,
Enflé d’orgueil comme un crapaud
D’avoir conquis, à ce jeu chaud,
Un bœuf qu’on pansait à l’étrille,
Comme un bœuf de bonne famille :
"