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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/359

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Hélas, quelquefois vous pleuvez
Toutes les eaux que vous avez,
Et plus qu’on ne vous en demande !
Quelquefois la pluie est si grande,
Alors qu’on s’en passerait bien,
Qu’un chapeau neuf ne dure rien.
Pleuvez donc, je vous en conjure,
Et pleuvez à bonne mesure :
Jamais l’eau ne fut plus à point.
Si pour nous vous n’en avez point,
Avec votre canon céleste,
Exercez-vous sur ce qui reste ;
A nos vaisseaux pulvérisés
Joignez des corps fulgurisés,
Ou bien, si vous me voulez croire,
Donnez à nos vaisseaux à boire :
C’est ne les obliger pas peu,
Car ils ont le corps tout en feu ;
Ou bien, pour me réduire en poudre,
Encore un coup jouez du foudre."
Aussitôt qu’Aeneas eut dit,
Un déluge d’eau descendit ;
Jamais on ne vit telle ondée :
Une rivière débordée
N’eût pas plus humecté les naus
Que firent du ciel ces canaux.
On craignit de périr par pluie.
Aeneas quasi s’en ennuie,
Quoiqu’un peu devant, pour l’avoir,
Il eût donné tout son avoir.
Je passe les hardes mouillées,
Les robes de crotte souillées,
Les chemins devenus ruisseaux,
Pour vous dire que les vaisseaux,
A mesure qu’ils s’humecrèrent,
A l’aide de l’eau résistèrent
Au feu, qui l’eau si fort craignit
Qu’il s’enfuit ou qu’il s’éteignit
De ces galères enflammées,
Fors quatre déjà consommées,