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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/361

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Où je laisserais les truands
Et tous les esprits remuants
Qui ne sont bons qu’à ne rien faire,
Obéir mal et toujours braire,
Les enfants, les femmes sans dents,
Les malades, les vieilles gens,
Bref, toutes personnes oiseuses,
Ainsi que des brebis galeuses.
Le cher Acestes régira
La canaille qu’on laissera :
Une ville Aceste nommée,
De bonnes murailles fermée,
Sera désormais le taudis
De ces fainéants engourdis ;
Et pour vous, brave fils d’Anchise,
De tous ceux qui seront de mise,
Qui sauront des mieux fourrager,
Les villageois faire enrager,
Piller maisons, brûler villages,
Faire serments de tous étages,
De ceux-là, dis-je, vous serez
Le chef, et vous les mènerez
Guerroyer les peuples du Tibre,
Rivière de petit calibre,
Mais qui lorgnera de travers
Tous les fleuves de l’univers,
Et sur eux, et sur leurs nacelles,
Aura droit d’imposer gabelles,
Et de les traiter de ruisseaux,
Quoique portant de grands bateaux."
Là finit le maître prophète,
Un flegme entrant en sa luette,
L’empêchant de continuer,
Et le faisant éternuer ;
Mais, pour tout cela, maître Enée
Se tourmente en âme damnée,
Et n’en a pas moins d’embarras.
Il se mit en ses sales draps
Lorsque la Nuit, la claire brune,
Pour bien faire honneur à la Lune,