Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

De laisser ses gens refroidir ;
Il fit les fainéants choisir,
Les dames et les inutiles,
A qui la demeure des villes
Plaisait plus que celle des nefs,
Des tentes, pavillons et trefs,
Enfin, ceux qui font bonne chère
Se plaisaient fort à ne rien faire.
Il retint avec lui les gens
Qu’il connut être diligents,
Durs au travail, duits à combattre,
Dont un seul en eût battu quatre,
Petits en nombre, mais d’un cœur
Grand et de tous périls vainqueur.
Puis les nefs furent réparées ;
De nouveaux taffetas parées,
De neufs avirons et de mâts,
Bref, refaites de haut en bas.
Aeneas, gentil personnage,
Qui savait jusqu’à l’arpentage,
Et qui, quand il ne l’eût pas su,
En eût tout le secret conçu,
Bientôt, telle était sa mémoire,
Que moi-même j’ai peine à croire,
Tous les départements marqua,
Deux bœufs traînant un soc piqua
(Cela veut dire une charrue),
Désigna mainte place et rue,
Place à vendre, place à louer,
Un ample tripot pour jouer,
Place à part pour les concubines,
Et de fort superbes latrines.
Acestes, tout encouragé
De se voir en prince érigé,
Fit des lois bonnes ou mauvaises,
Et créa des porteurs de chaises,
Et puis sur le mont Ericin,
A Vénus, céleste putain,
On fit un temple magnifique,
Moitié moellon, et moitié brique ;