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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/384

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Mais pas un n’osa détaler
Entendant leur maître parler.
Voici ce que dit le beau sire
Sérieusement et sans rire :
"Phébus, qui de notre Ilion
Pris toujours la protection,
Qui guidas la flèche mortelle
De Pâris, franche demoiselle,
Si bien qu’Eacide le fort
Par ce mignon fut mis à mort,
Par maintes mers dont les rivages
Nourrissaient maints peuples sauvages,
Sous ta conduite j’ai couru,
Dont j’ai l’esprit un peu bourru :
C’est trop courir et ne rien prendre,
Et pour rien trop longtemps attendre,
Car j’estime un peu moins que rien
Ce pays, qui, comme le chien
Qu’avait défunt Jean de Nivelle,
S’enfuit alors que je l’appelle.
Le voici pourtant attrapé
Après s’être tant échappé ;
Mais ma foi, s’il s’échappe encore,
Fussiez-vous, grands Dieux que j’honore,
Mille fois Dieux plus absolus,
Je ne vous honorerai plus.
Sans y mettre beaucoup du vôtre,
Vous pouvez bien au peuple nôtre
Pardonner, et vous ferez bien,
Et l’acte sera bien chrétien.
Si votre colère sans bornes,
Pour un seul qui planta des cornes
Sur un front qui le méritait,
Sans cesse nous persécutait,
Le Destin, qu’on tient si grand sire,
Y trouverait bien à redire.
Il a fait, entre vifs, un don
D’un pays plantureux et bon
A notre nation troyenne :
Il faut bien que la chose tienne,