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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/393

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D’un si bon fils, d’un si bon père,
Et faites si bien que Cerbère
Ait pour moi la civilité
Qui se doit à ma qualité,
Et, comme un mâtin de village,
N’aille pas, écumant de rage,
Exercer son triple gosier
Sur ma peau tendre comme osier.
Si pour être chantre et poète,
Et joueur de marionnette,
Orphée avec son guitaron
A fléchi le vieillard Caron
Et délivré son Eurydice,
Qu’un serpent fourré de malice
Avait occise en trahison,
Je puis à plus forte raison,
Aujourd’hui que littérature
Est en fort mauvaise posture,
Espérer qu’à moi, grand Seigneur,
Sera faite même faveur,
Et que j’irai voir mon bon père.
Si Pollux l’a pu, je l’espère,
Et si Thésée aussi l’a pu,
Et le grand Alcide, ils n’ont eu,
A le prendre par le lignage,
Sur moi que fort peu d’avantage :
Comme eux je suis des Dieux, issu,
La belle Vénus m’a conçu,
Et je puis jurer de ma mère
Plus hardiment qu’eux de leur père."
Voilà ce que le Troyen dit ;
Et voici ce que répondit
La vieille toute radoucie,
Torchant ses yeux pleins de chassie :
"Enfant de Vénus tant prisé,
Le chemin d’Enfer est aisé ;
On y peut entrer quand on l’ose,
Mais d’en sortir c’est autre chose :
Peu de mortels des Dieux chéris,
Bien morigénés et nourris,