Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quand la moindre chose succède,
Nous devenons fous sans remède.
Qu’ainsi ne soit, ce bon seigneur,
Dans les malheurs si plein de cœur,
De joie eut la tête assez folle
Pour lors faire une cabriole :
Il n’y réussit pas trop bien,
Mais on ne fit semblant de rien,
Car toujours les princes on flatte.
Un prince, eût-il la face plate,
Et le nez au niveau du front,
Un courtisan, un gobe-affront,
Aura l’âme assez mercenaire
Pour lui dire, afin de lui plaire,
Qu’il a le nez comme Cyrus,
Dont le nez fut des plus membrus.
Pour revenir à maître Enée,
Par la rencontre inopinée
De ce fleuve tant souhaité,
S’étant ainsi fort emporté
(Mais de bon cœur je lui pardonne),
Il rama lui-même en personne,
Pour donner courage à ses gens,
Lesquels, à ramer diligents,
Firent entrer la flotte entière
Dans le canal de la rivière,
Où joyeux nous les laisserons,
Et d’autre chose parlerons.
Dame Erato, ma chère Muse,
Inspire à mon esprit de buse
Quantité de termes plaisants,
Sans pourtant être médisants,
Pour bien passer par l’étamine
L’état de la terre latine,
Quand Aeneas et tout son train
En vint envahir le terrain.
Inspire-moi bien, je te prie,
De la fine plaisanterie.
Ce n’est pas ici jeu d’enfant,
C’est le fardeau d’un éléphant