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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/465

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Fut engendré ; quant à sa mère,
Son nom ici n’importe guère.
Latin d’héritier n’avait point
Qui portât chausses et pourpoint,
Mais il avait une héritière,
Fille sans tache et fort entière,
Qui tenait un peu du garçon,
D’ailleurs de fort bonne façon.
Parmi ceux qui la convoitèrent,
Et de sa beauté se coiffèrent,
Turnus très remarquable était,
Et sur ses rivaux l’emportait
Par son illustre parentèle,
Qu’aucun sans doute n’avait telle,
Car il comptait pour ses aïeux
Plusieurs grands seigneurs demi-dieux
Ou du moins qui le pensaient être,
Tellement qu’il faisait le maître
Parmi les autres prétendants
Qui n’osaient lui montrer les dents
Car ils savaient que dame Aimée,
Comme si Turnus l’eût charmée,
Tous les jours hautement jurait
Que Turnus son gendre serait,
Ou que sa fille serait nonne,
Malgré Latin et sa couronne ;
Mais le Ciel n’était pas d’avis
Que les desseins fussent suivis,
En matière de mariage,
De cette reine fort peu sage.
Maints présages à tous connus
Faisaient bien juger que Turnus,
Comme époux, en toute sa vie,
Ne tâterait de Lavinie ;
Comme galant, je ne dis pas
Qu’en vertu de beaucoup d’appas
Il ne pût la rendre amoureuse,
Mais la chose était bien douteuse.
Aeneas, quoique déjà veuf,
Etait aussi bon que tout neuf,