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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/533

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Enée en une nef s’embarque ;
Sa nef sa route à l’autre marque,
Et va vite comme un oiseau,
Quoique remontant contre l’eau.
Les nefs sur ces eaux favorables
Vont comme tous les mille diables ;
Les arbres aux deux bords plantés
Sont grandement épouvantés
De voir des mâts et des cordages,
Des boucliers de tous étages,
Des rameurs et des gens armés.
Ces objets inaccoutumés
Non sans sujet les scandalisent,
Les uns aux autres ils se disent :
"Arbre, mon voisin, qu’est ceci ?
— Je n’en sais rien. — Ni moi aussi."
Enfin les nefs si bien voguèrent,
Et les tours du fleuve tournèrent,
Qu’entre une et deux, après-midi,
Faisant un cri fort ébaudi,
Ils aperçurent la muraille,
Et le palais couvert de paille
Du prince Evandre qu’ils cherchaient.
Ses sujets et lui lors faisaient
Au fils d’Alcmène un sacrifice
Qui n’était que de pain d’épice ;
Mais Hercule avait la bonté,
Connaissant bien leur pauvreté,
D’avoir plus égard à leur zèle
Qu’à leur offrande telle quelle.
Evandre et son cher fils Pallas,
En soutanes de canevas,
Et son sénat en serpillière,
Chapeau de paille pour têtière,
Tous mal en ordre et mal bâtis,
Autant les grands que les petits,
En un bois voisin de leur ville
Entonnaient un beau vaudeville
En l’honneur du fils d’Alcmena
Quand un objet les étonna,