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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/537

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Quoiqu’une histoire scandaleuse
Lui donne une jambe cagneuse,
Mais on sait au moins, ce dit-on,
Que Pallas donna du bâton
A l’écrivain de cette histoire :
Il ne faut point donc trop la croire,
Ni trop peu ne la croire pas.
Enée, allant donc de son pas,
Comme j’ai dit, l’âme fort gaie,
Trouva des soldats mis en haie,
Et des milords arcadiens,
Qui, voyant venir les Troyens,
Se fendant leur firent passage ;
Puis Aeneas tint ce langage :
"O seul des Grecs homme de bien,
Car les autres ne valent rien,
Sur ton nom et ta bonne mine,
Quoique tu sois Grec d’origine,
Et superlativement Grec,
Tu ne me seras point suspect.
Nous sommes parents l’un et l’autre,
Ce m’est grand honneur. — C’est la vôtre.
— C’est moi qui cet honneur reçois.
— Ah ! ce n’est pas vous. — Ah ! c’est moi"
Par ces répliques et dupliques,
De leurs royales rhétoriques
Ils firent quelque temps essai.
Pour dire le vrai, je ne sais
Qui des deux était le plus sage,
Et qui plus disert personnage.
Pour Aeneas, je sais fort bien
Qu’il parlait longtemps en un rien,
Tant sa langue était bien pendue,
Et que, dans une affaire ardue,
Sans se préparer il parlait
Bien souvent plus qu’on ne voulait ;
Et, si l’autre en était de même,
De tous deux l’éloquence extrême,
En ce siècle où l’on parla tant,
Eût rendu leur nom éclatant