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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/541

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Nul poil à raser qu’à la tête.
Que c’était une bonne bête !
Je me souviens qu’il me vola
Tout mon argent au quinola,
Dont il m’acheta deux aiguières,
Il m’engrossa trois chambrières,
Et puis ensuite fit si bien
Que la chose passa pour rien.
Dès lors d’amitié nous nous prîmes,
Et de beaux présents nous nous fîmes ;
Je lui donnai deux arcs turquois,
Un vocabulaire narquois,
Une recette pour les dartres,
Des Heures, usage de Chartres,
Car il lisait très volontiers,
Et lisait des jours tout entiers.
Je lui donnai d’Orphée une ode,
Son beau traité sur la méthode
De châtrer sans incision,
Et son livre sur Ixion,
Pour savoir si sa chère Nue
Fut depuis grâce au ciel tenue.
Dans ce même livre il prouvait
Que Junon, accouchant, n’avait
Aucun besoin de sage-femme,
Ainsi qu’une mortelle dame,
Et pour son enfant mettre à l’air
N’avait qu’à tout laisser aller.
Il me donna pour récompense
Un beau gobelet de faïence,
Un jeu de quilles et son sac,
Un gros rouleau de bon tabac,
Le meilleur qui, dans l’Arcadie,
Ait cervelle d’homme étourdie ;
Une toque, et son cordon d’or,
Que mon fils Pallas porte encor,
Et sa dague bien façonnée,
Que je n’ai plus dès l’autre année,
Car un laquais sans répondant
Me la prit avec son pendant.