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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/543

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Du prêtre il blessa les deux nièces,
D’un chandelier fit quatre pièces,
Enfin il fit de l’encensoir
Des choses hideuses à voir,
Tellement que le bon Evandre
Fut contraint de l’encensoir prendre,
En lui disant, les yeux baissés :
 « Monsieur Aeneas, c’est assez. »
Ainsi l’encensoir peu propice
Deux fois troubla le sacrifice :
L’une, quand Aeneas survint,
Qu’un prêtre épouvanté devint ;
Et l’autre, quand Son Eminence,
Ne sachant comment on encense,
Si tragiquement encensa
Que tout presque il bouleversa.
Pour faire perdre la pensée
D’une chose si mal passée,
On mit fin à l’oblation,
Et puis l’on fit collation :
La nappe on étendit sur l’herbe,
Chacun pour son siège eut sa gerbe.
De la peau d’un puissant lion
Evandre avait un pallium.
Il mit en la place honorable
Le Dardanien vénérable.
Chacun, outre un morceau de bœuf,
Au lieu de potage eut un œuf,
Mais à maître Enée, et pour cause,
Evandre fit doubler la dose.
Maint jouvenceau à servir prompt
Donnait à tous à boire en rond,
Et tous, d’égale diligence,
Vidaient les tasses d’importance.
Après que chacun fut repu,
Evandre, chacun s’étant tu,
Dit à l’infant de Cythérée
Ces mots : "La fête célébrée
Est fête de dévotion,
Et non de superstition ;