Aller au contenu

Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

A ce bruit, le plaisant goulu,
Maître Iopas le chevelu,
Mêlait celui de sa vielle,
Sur le chant de Jean de Nivelle ;
Il sonnait aussi doux que miel,
Ce que d’Atlas le porte-ciel
Il avait appris en jeunesse :
Des cieux l’admirable vitesse ;
En combien de temps Apollon,
Digne inventeur du violon,
En son char fait le tour du monde ;
Par quel moyen la lune blonde
Cache quelquefois son museau,
Quels astres nous donnent de l’eau,
Et quels nous donnent la gelée ;
Comment de terre sigillée,
Prométhée, homme fort aigu,
Fit l’homme en lui soufflant au cul :
Ce fut un très gentil ouvrage,
Et c’est de lui fort grand dommage,
Car Jupiter s’en sert, dit-on,
A paître son aigle glouton ;
Comment furent faites les bêtes ;
Pourquoi l’on voit tant de tempêtes,
Principalement en hiver,
Au printemps pourquoi tant de vert,
Et cent autres choses fort belles
Qui ne sont pas des plus nouvelles.
Après avoir longtemps chanté,
Se voyant fort mal écouté,
Il cessa sa belle musique.
Cependant la Didon se pique
De son hôte de plus en plus :
Par de longs discours superflus
Elle le retient auprès d’elle,
Elle se brûle à la chandelle.
L’autre, avec toute sa raison,
Sent aussi quelque échauffaison,
Et Monsieur, ainsi que Madame,
A bien du désordre dans l’âme.