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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/81

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Prenait plaisir à se brûler,
Et ne pouvant plus reculer,
Il se releva la moustache,
S’ajuste en son lit, tousse et crache,
Puis, se voyant bien écouté,
Il dit avecque gravité :
"O mon Dieu ! la fâcheuse chose
Que votre majesté m’impose !
C’est justement m’égratigner
Un endroit qu’on fera saigner.
Voulez-vous donc que je vous die
La pitoyable tragédie
Dont les Grecs furent les auteurs
Et les sanguinaires acteurs ?
Est-il possible que l’on croie
Les étranges malheurs de Troie,
Dans lesquels j’ai si bonne part ?
Est-il Dolope assez pendard,
Myrmidon, d’Ulysse gendarme,
Qui soit assez chiche de larme
Pour n’en verser pas un petit
A ce pitoyable récit ?
Mais la nuit est bien avancée,
Elle s’en va bientôt passée ;
Vos lampes tirent à la fin,
Et pour moi, sans faire le fin,
Je dormirais de bon courage,
Sans le sot conte où l’on m’engage.
Vous-même vous dormiriez bien ;
Outre que tous ces gens de bien
Ont peine à soutenir leur tête,
Et, sous quelque prétexte honnête,
Voudraient bien qu’il leur fût permis
D’être dans leur lit endormis."
Didon dit : "Vous avez beau dire ;
Haranguez vitement, beau sire,
Sans tant tourner autour du pot."
Aeneas dit : "Je suis un sot,
Et vous allez être servie.
Quoiqu’