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Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/96

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Que je me sauvai finement,
Il ne vous importe comment.
Je ne sais rien de ce qu’ils dirent,
Ni des grandes clameurs qu’ils firent ;
Mais je sais que, faute de pain,
Je pensai bien mourir de faim.
Ma fuite ayant été secrète,
Je fis à l’aise ma retraite
Et me cachai dans des roseaux,
D’où, jusqu’à tant que nos vaisseaux
Eussent éloigné le rivage,
Je ne bougeai, comme homme sage.
Ma foi, j’étais bien affligé,
Tant de mon père fort âgé,
Dont je ne verrais plus la face,
Que de mon orpheline race,
Sur laquelle mes ennemis,
D’un crime qu’ils n’ont point commis,
Dont je suis innocent moi-même,
Par une barbarie extrême,
Voudront, par Ulysse irrités,
Exercer mille cruautés.
Ayez donc pitié, je vous prie,
D’un pauvre malheureux qui crie,
Et ne lui donnez point la mort,
En quoi vous l’obligerez fort.
Je vous conjure par Hécube,
Votre belle et chère succube,
D’avoir compassion de moi.
— Aussi ferai-je en bonne foi,
Lui dit Priam ; mais, en revanche
De vous avoir, de ma main blanche,
Désembarrassé des liens
Dont vous ont garrotté les miens,
Faites-nous savoir l’origine
De cette puissante machine,
Et si c’est pour bien ou pour mal
Qu’ils ont bâti ce grand cheval ;
Si c’est machine pour combattre,
Ou si ce n’est que pour s’ébattre ;
Si