Page:Scarron - Oeuvres T3, Jean-François Bastien 1786.djvu/318

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du monde, quelque bien qu’elle ait, quelle horreur ne fait-elle point, si par sa mauvaise conduite elle joint la pauvreté à l’infamie ? Et par quelle raison pourra-t-elle espérer qu’on l’assiste en sa misère ? Si du bien que vous avez acquis par des moyens qui ne sont pas approuvés de tout le monde, vous tiriez de nécessité un honnête-homme qui vous épouserait, vous feriez une action agréable à dieu et aux hommes, et la fin de votre vie en ferait excuser le commencement ; mais vous donner toute entière comme vous faites à un filou aussi méchant que lâche, qui a mis toute son ambition à excroquer des femmes, qui ne les gagne que par des menaces, et ne les garde que par des tyrannies ; c’est, ce me semble, dépenser son bien à se rendre misérable de la dernière misère, et travailler à sa ruine. C’est par de semblables paroles que la judicieuse Mendez, qui savoit mieux dire que faire, tâchoit de chasser le redoutable Montufar de l’ame de la peu vertueuse Héléne, qui ne l’aimoit presque plus que parce qu’elle y étoit accoutumée, et qui ayoit l’esprit trop éclairé, pour n’avoir pas déjà trouvé en soi-même toutes les belles raisons que sa vieille venoit de lui débiter. Elles ne furent pourtant pas inutiles ; Héléne les reçut en bonne part, d’autant plus volontiers, que l’intérêt seul de Mendez n’y étoit pas mêlé ; et parce qu’en même tems Montufar étoit près de les joindre, pour entrer de compagnie dans Guadarrama, où étoit la dînée, elles remirent à une saison plus commode d’aviser aux moyens dont elles se serviraient pour se séparer d’avec lui à ne le revoir jamais. Il parut fort dégoûté durant le dîné ; à la sortie de table il eut un grand frisson, et ensuite une violente fièvre, qui le tourmenta le reste du jour et toute la nuit ; puis s’étant