Page:Scarron - Oeuvres Tome 7 - 1786.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Encore passe au lourdaud de campagne,
Qui ne lit point Épicure ou Montagne.
Mes beaux messieurs, qui de tout décidez,
Ne dites rien si vous ne l’entendez.
J’ai trop poussé peut-être la matiére :
Mais cette erreur d’une étrange maniére
M’a chagriné depuis deux ou trois ans,
Et j’en voudrois guérir les courtisans.
Un parasite animal famélique,
Qui court par-tout la table magnifique,
Et là débite, en faisant de son mieux,
Tous ses bons-mots et tous ses contes vieux,
Est un fâcheux qui supernuméraire,
Se va souler comme un loup sanguinaire,
Où bien souvent il n’est pas appellé :
L’ingrat bouffon n’est pas plutôt soulé,
Qu’il va prôner du sot qui le substante,
Tout ce qu’il sait et tout ce qu’il invente.
On est plaisant ainsi : mais que sait-on ?
On peut aussi s’exposer au bâton.
Qu’il est fâcheux le fat, quand il conseille !
Qu’ils sont fâcheux les parleurs à l’oreille,
Et qui pourroient sans péril dire à tous
Ce grand secret qu’ils ne disent qu’à vous !
Qu’on est fâcheux aux bonnes compagnies,
De ne parler que de ses maladies !
Qu’il est fâcheux aux malades d’ouir,
Prenez courage, il se faut réjouir !
Mais j’oubliois (peste de ma mémoire !)
Celui qui fait grand cancan d’une histoire,
Ou vous promet un conte plein d’esprit,
Et ne tient rien de ce qu’il vous a dit.
Et j’oubliois les vieilles surannées,
Qui sans songer à leurs longues années,
Ne veulent rien rabattre de quinze ans,
Et s’attendront à des soins complaisans,
Qu’on ne rend plus à de telles guénonnes.
Et j’oubliois de fâcheuses personnes,
Les créanciers que l’on voit chaque jour.
Le franc bourgeois qui fait l’homme de cour,
Et quand il est chez les gens de la ville,
Qui dit tout sec, Turenne, Longueville,
(Se gardant bien de donner du monsieur )
Le maréchal, le petit commandeur,