Page:Scarron - Théâtre complet, tome 3, 1775.djvu/298

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Car si d’aventure l’horreur

Met la flamme en mes yeux, m’agite et me travaille,

Et que je vous élance un regard de fureur,

Je vous brûlerai comme paille.

Mon œil de l’élément du feu

Est l’ascendant et l’influence,

Et sans se peiner que fort peu

Il le maintient en sa puissance :

Il ne subsiste maintenant

Que par l’ardent brasier dont ma vue est remplie,

Et l’élément du feu périrait à l’instant,

Si mes yeux n’avaient plus de vie.

Un jour en cherchant les combats

Au bout de cent belles campagnes,

Je rencontrai dessous mes pas

D’âpres et rudes montagnes,

Que fis-je en cette extrémité ?

Je changeai par mes yeux ces montagnes en plaines,

Et d’un regard de feu qu’à l’instant je jetai,

J’en brûlai quatorze douzaines.

Me promenant près de la mer,

D’un rayon brûlant de ma vue

Je fis tous ces flots enflammer,

Et rendis Thétis toute émue.

Jetant qui çà qui là mes yeux,

Neptune, les Tritons et toutes les Naïades ;

Bref, sans exception tous les liquides Dieux,

Furent grillés de mes œillades.