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Page:Schœlcher - Des colonies françaises, 1842.djvu/260

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l’honneur d’être admis dans plusieurs familles libres, dont la distinction ne le cédait à nulle famille blanche. À la Dominique nous avons assisté à un bal de cette classe, et nous pouvons assurer que dans aucune société de l’autre classe nous n’avons rencontré plus de jeunes filles dont la modestie et la retenue nous aient garanti la pureté du présent et la moralité de l’avenir. Les îles françaises de même où tant de causes pourraient s’opposer à ces heureuses exceptions, possèdent des familles de couleur qui ont droit à toute la considération imaginable.

Quelque sévère qu’ait été notre jugement, il n’en est pas moins vrai que les hommes de couleur, depuis qu’ils sont devenus citoyens se sont beaucoup améliorés[1], Le mariage légal qui leur était presqu’inconnu se répand, et, disent les impassibles Notices statistiques du gouvernement, « depuis leur émancipation civile et politique, la tendance à une vie régulière se manifeste d’une manière sensible parmi eux. » Dans les colonies anglaises, dont les neuf dixièmes de la population mixte sont comme chez nous illégitimes, le progrès a été plus étendu encore et plus perceptible ; il n’existe aucune sang mêlée à cette heure qui croie plus honorable de vivre en concubinage avec un blanc que d’être mariée avec un homme de sa caste ; tout le monde contracte des liens réguliers ; la vie s’épure, et dans les écoles gratuites du dimanche, ce sont des membres de la classe de couleur qui se distinguent par leur zèle et leur désintéressement à remplir les graves fonctions d’instructeurs auprès des pauvres. La liberté moralise.

À tout prendre, on peut s’étonner de la rapidité avec laquelle s’est opéré l’amendement. Un demi-siècle suffira peut-être à détruire les dernières traces de ces distinctions, qui après avoir été un crime politique ne sont plus qu’une sottise. Si la classe de couleur était assez riche pour envoyer élever en Europe beaucoup de ses enfans, la classe blanche perdrait plus vite encore la seule véritable supériorité qu’elle ait et qu’elle gar-

  1. C’est l’opinion entre autres de M. Lignières de la Guadeloupe.