Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/38

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si vous faites des réclamations, vous recevez des coups de pieds et des coups de poings. »

À l’appui de cette assertion de Cétout, outre la condamnation de M. Hoüelche, vient un jugement correctionnel, du 19 février 1850, qui condamne M. Pelissier Montémont, propriétaire dans cette dépendance à vingt jours de prison et 200 fr. d’amende, pour avoir frappé un charpentier mulâtre de son habitation, qui, chassé depuis trois jours, avait l’incroyable insolence de venir réclamer le paiement de son salaire.

Par ce qu’on vient de lire, on peut juger quelles étaient les appréhensions des noirs et qui les leur avait inspirées. Me Pory-Papy a tracé, de cette situation, un tableau tellement saisissant, que nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ses paroles.

« La Guadeloupe et Marie-Galante, dit l’éloquent défenseur, à l’époque des élections, se trouvaient, en quelque sorte, en état de siège. Dès le 23 juin, veille des élections, et, par une coïncidence remarquable, la Cour d’appel avait évoqué les troubles nés et à naître dans la colonie, tous tes maires avaient pris des précautions militaires inusitées pour une lutte présumée. Le 24 juin, les électeurs blancs du Grand-Bourg (campagne), revêtus de leurs uniformes, traînaient le sabre devant la mairie, et leurs plumets flottaient aux yeux des noirs, comme un signal de guerre civile. Le surveillant de l’habitation Pirogue, José Moreau, à leur vue, se frappait la poitrine, et disait hautement qu’il braverait la mort pour la liberté. Un détachement d’infanterie stationnait dans la cour. Cet appareil formidable, appuyé de deux cent quarante cartouches à balles, mises à la disposition des chasseurs à cheval, faisait présager un conflit imminent. Le brick de guerre le Cygne avait jeté l’ancre, depuis trois jours, sur la rade ordinairement déserte de Marie-Galante. Vont comprenez, messieurs, l’effet que de pareilles dispositions guerrières durent produire sur l’imagination défiante des noirs. Cependant la journée du dimanche se passa partout avec calme, au dire de tous les documents, de tous les fonctionnaires, de tous les maires, de tous les témoins. M. Théophile Bonneterre ne