Page:Schœlcher - Le procès de Marie-Galante, 1851.djvu/71

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la déposition consciencieuse, courageuse, de M. Champy, l’ancien maire de la Pointe-à-Pitre, rendant hommage à la haute moralité des prévenus, déclarant, au risque de passer pour un colon renégat, pour un socialiste, qu’il les regarde comme des hommes sans reproche, et qu’il les avait toujours vus à ses côtés chaque fois que la ville avait eu besoin du concours de patriotes dévoués !

On leur avait donné pour juges des adversaires politiques en remaniant le collège des assesseurs. S’ils ont été absous, combien ne faut-il pas que leur innocence ait été démontrée, et comment n’a-t-elle pas éclaté tout d’abord aux yeux du juge instructeur !

Dans les pays civilisés, quand les charges ne paraissent pas suffisantes contre un accusé, une ordonnance de non-lieu le rend à la liberté. Aux colonies, c’est tout le contraire, dès qu’il s’agit de nègres ou de mulâtres influents ; moins on trouve de preuves, et plus on multiplie les enquêtes, les interrogatoires, les recherches. Un homme à peau noire ou jaune, accusé de menées politiques, peut-il ne pas être coupable, et faut-il moins d’un an de détention préventive pour le démontrer ? Du reste, c’est encore là un des moyens de punir quiconque fait ombrage à la faction dominante. La victime sort innocente, réhabilitée, mais ruinée ; cela sert d’exemple aux autres.

En résumé, dans les cinq procès faits aux élections de juin 1849, on a puni des crimes, des délits avérés aux yeux des juges, mais tout individuels ; on n’a pas trouvé la moindre trace, l’ombre d’un complot. De ce grand projet de destruction ou d’expulsion de la classe blanche tramé par les mulâtres prenant les nègres pour agents ; de cette triste fantasmagorie que la coterie des incorrigibles, avec ses journaux des Antilles et de Paris, a si cruellement exploitée depuis un an, il ne reste rien, rien.

Il demeure incontestable que le capitaine de vaisseau Favre, gouverneur provisoire de la Guadeloupe, et le directeur de l’intérieur Blanc, eux qui dénoncèrent honnêtement l’élection de deux abolitionnistes « comme souillée dans le sang, » ont trompé la métropole en affirmant l’existence d’une conjuration, avant même toute information,