Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/398

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appelle art ne peut occuper le philosophe. L’art est pour lui une manifestation de l’absolu, immédiatement émanée de son essence ; et ce n’est qu’en tant qu’il peut être représenté et compris comme tel, qu’il a pour lui de la réalité.

Mais le divin Platon, dans sa République, n’a-t-il pas condamné lui-même les arts d’imitation, banni les poètes de sa cité idéale comme des membres non seulement inutiles mais dangereux ? Peut-il y avoir une autorité qui prouve, d’une manière plus péremptoire, l’incompatibilité de la poésie et de la philosophie, que ce jugement du roi des philosophes ? —

Il est essentiel de reconnaître le point de vue particulier d’où Platon porte ce jugement sur les poètes. Car si jamais philosophe a observé la distinction des points de vue, c’est celui-ci. Et, sans cette distinction, ici, comme partout, mais ici en particulier, il serait impossible de comprendre son génie capable d’embrasser une multitude de rapports et de concilier les contradictions de ses œuvres sur le même objet. Il faut, avant tout, se résoudre à concevoir la haute philosophie et celle de Platon, en particulier, comme formant une opposition tranchée dans la culture grecque, non seulement avec les représentations sensibles de la religion, mais, encore avec les formes positives et réelles de la constitution politique. Or, maintenant, dans un État purement idéal et en même temps moral comme la République de Platon, pouvait-il être question de la poésie d’une autre manière, et