Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/427

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Les œuvres de l’art, il est vrai, ne sont, en apparence, animées qu’à la surface, tandis que, dans la nature, la vie paraît pénétrer plus profondément et se marier entièrement à la matière ; mais les transformations continuelles de la matière et la loi universelle de la destruction des existences finies, ne nous avertissent-elles pas combien ce lien est peu essentiel et qu’il n’est nullement une fusion intime ? L’art, en animant ses œuvres seulement à la surface, représente donc, comme n’étant pas, ce qui n’est pas réellement. Comment se fait-il que pour tout homme d’un esprit suffisamment développé, l’imitation de ce qu’on nomme le réel, poussée jusqu’à l’illusion, apparaisse comme le faux au plus haut degré, et même, produise sur lui l’impression de spectres, tandis qu’un ouvrage dans lequel l’idée domine, le saisit avec toute la force de la vérité, il y a plus, le place dans le vrai monde réel ? D’où vient cela, sinon du sentiment plus ou moins obscur qui lui dit que l’idée est le seul principe vivant dans les choses, que le reste est privé d’essence et n’est que de vaines ombres ? Par le même principe s’expliquent tous les cas opposés qui sont donnés comme exemples de la supériorité de l’art sur la nature. Si celui-ci arrête la course rapide des années humaines ; s’il unit la force virile avec les grâces de la jeunesse, s’il montre la femme mère d’enfants déjà grands et sa fille, conservant toutes deux leur pleine et florissante beauté, que fait-il autre chose que d’effacer ce qui