Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/446

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sensible. Quoique l’esprit de la nature emploie sa puissance pour la retenir, l’âme ne s’engage pas dans ce combat, mais sa présence adoucit la violence même de la lutte orageuse qui s’élève au sein des puissances de la vie. Toute force extérieure ne peut ravir que des biens également extérieurs, l’âme est hors de son atteinte. Cette force peut déchirer un lien temporel, mais non détruire le lien éternel d’un amour véritablement divin. Dans la douleur, l’âme ne se montre pas dure et insensible, dépouillée de l’amour ; loin de là, elle montre l’amour seul comme le sentiment qui survit à l’existence sensible, et elle s’élève ainsi sur les ruines de la vie et du bonheur terrestre à la gloire divine.

Telle est l’expression de l’âme, que nous a montrée, dans la sculpture, l’auteur de la Niobé. Tous les moyens que l’art peut employer, pour tempérer la terreur, sont ici mis en action : puissance des formes, grace sensible. Il y a plus, la nature du sujet lui-même adoucit l’expression, par cela même que la douleur dépassant toute expression s’efface à son tour, et la beauté qu’il paraissait impossible de conserver vivante est sauvée par la pétrification qui se fait avant que la beauté n’ait été violée. Que serait, cependant, tout cela sans l’âme, et comment celle-ci se manifeste-t-elle ? Nous ne voyons pas seulement sur le visage de la mère la douleur que lui cause la vue de ses enfants étendus comme des fleurs à ses pieds, ni seulement l’angoisse mortelle que lui ins-