Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/453

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empire des paisibles divinités de l’Olympe. Tel nous apparaît la représentation du Jugement dernier, dont cet esprit géant remplit la chapelle Sixtine, résumant tout son art dans cette grande œuvre, plus propre à rappeler les premiers temps de la terre et ses premières créations que les temps nouveaux. Attiré vers les principes les plus mystérieux de la nature organique et particulièrement de la forme humaine, il n’évite pas le terrible. Loin de là, il le cherche à dessein, lui ôte même son calme et le précipite dans les noires officines de la nature. Il compense le manque de douceur, de grâce et d’agrément, par l’expression la plus frappante de la force. Si, par ses représentations, il excite la terreur, c’est l’épouvante que, selon la fable, le dieu Pan répandait tout-à-coup dans les assemblées des hommes. La nature, en général, produit l’extraordinaire par des qualités exclusives et incompatibles avec leurs opposées. Ainsi, dans le génie de Michel Ange, le sérieux, l’énergie et la profondeur dominaient trop le sens de la grace et la sensibilité de l’âme, pour qu’il montrât, pure et à son plus haut degré, la force plastique, dans la peinture des temps modernes.

Lorsque la première violence s’est adoucie et que l’impétuosité d’une force qui enfante s’est calmée, alors se manifeste dans l’âme l’esprit de la nature, et avec lui naît la grace. L’art atteignit ce degré après Léonard de Vinci, avec Corrège, dans les ouvrages duquel l’âme sensible est le principe qui produit la beauté.