Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/472

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le pied d’un tel colosse (de la nature) ? » Le connaisseur philosophe nous révèle ici la valeur et la sublimité de son idée de l’infinité de la nature. Cette infinité, il la trouve dans l’étendue immense. Qu’une infinité véritable, essentielle, soit dans chaque partie de la matière, c’est là une exagération à laquelle cet homme sensé ne s’élève certainement pas, quoiqu’il parle le langage de la nouvelle philosophie ; que l’homme, par exemple, soit encore quelque chose de plus que la main ou le pied de la nature (qu’il en soit plutôt l’œil ; la main et le pied seraient d’ailleurs encore à trouver), c’est ce qu’on ne pourrait penser sans extravagance.

D’après cela, il est naturel que la difficulté ne lui paraisse pas suffisamment résolue ; et c’est ici que commence la parfaite rigueur philosophique. L’excellent homme admet qu’il est sans doute vrai que chaque être individuel est dans la nature une manifestation de l’éternel et du divin (toutefois dans cet être individuel) ; mais, dit-il, le divin n’apparaît pas comme divin, mais comme terrestre et périssable. — Voilà ce qui s’appelle un art philosophique ! De même que, dans les ombres chinoises, les ombres viennent et s’en vont au commandement de parais et disparais, de même le divin apparaît dans le terrestre ou n’apparait pas du tout, selon la volonté de l’artiste. Mais tout cela n’est que le prélude du syllogisme suivant, dont les membres méritent particulièrement d’être remarqués :

1° « L’individuel, comme tel, ne représente rien qu’une image de l’existence passagère dont la destinée est de naître et de périr.— Et encore ce n’est pas l’idée même de l’existence passagère qu’il représente, il n’en est qu’un exemple, étant lui-même quelque chose de périssable et de passager. » — Ainsi, on pourrait dire d’un beau tableau, qu’il offre un exemple de l’existence passagère qui naît et périt ; car il