Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/483

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Dès sa première origine, nous voyons la poésie grecque entièrement séparée de la science et de la philosophie. C’est ainsi qu’elle apparaît dans Homère ; et ce développement indépendant va jusqu’à une parfaite opposition entre les poètes et les philosophes, qui cherchaient vainement, par une explication des poésies homériques, à trouver une harmonie qui n’existait pas. Dans les temps modernes, la science a précédé la poésie et la mythologie qui ne peut être une mythologie sans être universelle, sans attirer dans son cercle tous les éléments de la civilisation actuelle : la science, la religion, l’art même, et combiner aussi avec eux dans une parfaite unité ceux des siècles passés. Dans cette opposition, comme l’art réclame quelque chose de fini, de limité, et que l’esprit du monde tend vers l’illimité, renverse avec une invariable puissance toutes les barrières, l’individu doit paraître en scène, mais, avec une liberté absolue, chercher à imprimer au mélange des temps des formes durables, et, en s’exerçant sur des matériaux arbitrairement choisis, rendre à la physionomie totale de sa composition le caractère extérieur de nécessité et d’universalité, par une originalité absolue.

C’est ce qu’a fait Dante. Il avait sous les yeux les matériaux que lui fournissait l’histoire contemporaine comme celle du passé. Il ne pouvait en former une simple épopée, d’abord, à cause de la nature même de son génie, ensuite, parce qu’il aurait, par là, exclu d’autres éléments de la civilisation de son