Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/485

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jective. Il n’y a là dessus aucun doute, et le poète lui-même a expliqué que Béatrice, par exemple, est une allégorie, et représente la théologie. Il en est de même de ses compagnes, et de tant d’autres figures. Mais elles sont en même temps là pour leur propre compte ; elles apparaissent comme personnages historiques, sans pour cela être des symboles.

Dante est, sous ce rapport, un modèle tout-à-fait primitif et original, parce qu’il a exprimé ce que la poésie moderne doit faire pour exposer, dans une composition poétique, l’ensemble de l’histoire et de la civilisation de son temps, la seule matière mythologique qui lui fût offerte. Il devait, avec une liberté absolue, combiner l’allégorie et l’histoire. Il doit être allégorique, et il l’est même malgré lui, parce qu’il ne peut être symbolique, il est également historique, parce qu’il doit être poétique. L’invention qu’il déploie sous ce rapport est chaque fois véritablement unique ; c’est un monde nouveau qui appartient entièrement à son auteur.

Le seul poëme allemand qui offre une tendance universelle, combine aussi, de la même façon, les intérêts les plus étrangers dans l’esprit de l’époque, par l’invention tout-à-fait personnelle d’une mythologie partielle, par la figure de Faust ; quoique cette composition puisse s’appeler, dans un sens bien plus aristophanesque, une comédie, et dans un autre plus poétique, une comédie divine, que le poème de Dante.

L’énergie avec laquelle le poète sait façonner le mé-