Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/492

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port qu’un rapport poétique. Le génie de Dante ne recule pas devant l’horrible ; il y a plus, il va jusqu’à la dernière limite ; mais on peut remarquer, pour chaque cas particulier, qu’il ne cesse jamais d’être sublime, et par conséquent d’être véritablement beau. Car, ce que des hommes qui n’étaient pas capables de saisir l’ensemble ont désigné, en partie, comme bas et trivial, ne l’est pas dans son sens ; c’est un élément nécessaire de la nature mixte du poëme, et qui l’a fait nommer comédie par Dante lui-même. La haine de la perversité, la sainte indignation qui s’expriment dans la composition terrible de Dante, ne sont pas le partage des âmes communes. Le doute est encore plus permis sur ce qui est généralement admis : que le bannissement de Florence, lorsque jusque-là sa muse n’avait été consacrée qu’à l’amour, tourna, pour la première fois, son esprit vers le sérieux et l’extraordinaire, aiguillonna son génie et le porta vers cette haute conception dans laquelle s’exhalèrent avec sa vie toute entière, avec les infortunes de son cœur, et les malheurs de sa patrie, ses chagrins et ses amertumes. Mais la vengeance qu’il exerce, il l’exerce, en quelque sorte, au nom du jugement universel, comme juge investi d’une mission divine, avec une autorité prophétique, non en vertu d’une haine personnelle, mais avec une ame sainte et indignée des crimes du siècle, avec un amour pour la patrie que depuis longtemps on ne connaissait plus. C’est ainsi qu’il se représente lui-même, dans un passage du paradis, où