Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/558

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la contradiction étant posée, la libre activité est involontaire), le penchant artistique doit procéder du sentiment semblable d’une contradiction intérieure. Cette contradiction, mettant en mouvement l’homme tout entier avec toutes ses forces, saisit, sans doute, ce qu’il y a de plus intime en lui, et la racine même de toute son existence. On dirait que, dans ces hommes rares, supérieurs aux autres artistes, dans le sens le plus élevé du mot, cet être identique et immuable, sur lequel leur existence est transportée, se dépouille des voiles dont il s’enveloppe chez les autres hommes, et, de même qu’il est immédiatement affecté par les choses, de même il réagit aussi immédiatement sur toutes. Seule donc, la contradiction, entre ce qui a et ce qui n’a pas conscience dans l’activité libre, peut mettre le penchant artistique en mouvement. Ainsi, à l’art seul il peut être donné de satisfaire notre effort infini, et de résoudre en nous la contradiction dernière et suprême.

De même que la production esthétique sort du sentiment d’une contradiction insoluble en apparence ; de même, comme le savent les artistes et tous ceux qui participent à leur inspiration, elle s’achève dans le sentiment d’une harmonie infinie. Ce sentiment, qui accompagne le couronnement de l’œuvre, est en même temps une émotion ; ce qui prouve que l’artiste attribue la solution complète de la contradiction, non à lui-même, mais à une faveur de la nature, qui, après avoir soulevé si inexorablement en lui cette