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LA LITTÉRATURE AU XVIIIe SIÈCLE.

mollets. Pour peu qu’il voulût s’éloigner : « Ne bougez » pas, disait-on, il faut vous habituer à Ja grande cha » leur, autrement vous n’aurez pas la charge. »

Madame Lebrun avait conservé le souvenir des bruyants soupers dans lesquels son père réunissait ces hôtes. « On me faisait quitter la table avant le dessert, mais de ma chambre j’entendais des rires, des joies, des chansons, auxquels je ne comprenais rien, à vrai dire, et qui pourtant n’en rendaient pas moins mes jours de congé délicieux. ».

On peut se figurer quelle fut l’éducation de la jeune fille dans un pareil intérieur. Mise au couvent à l’âge de six ans, elle en sortit à onze pour faire sa première communion, et depuis lors, elle demeura chez ses parents. Elle dessina dès qu’elle put tenir un crayon, traçant des figures sur ses cahiers, sur les murs, sur le sable, partout. Son père l’y encourageait, la laissait barbouiller avec ses pastels. « Je me souviens qu’à l’âge de sept ou huit ans, je dessinai à la lampe un homme à barbe, que j’ai toujours gardé. Je le lis voir à mon père qui s’écria transporté de joie : Tu seras peintre, mon enfant, ou jamais il n en sera. » Evidemment, son père avait un faible pour elle. Sa mère, au contraire, la traitait avec sévérité. Le peu d’agréments de la jeune fille y était pour quelque chose. « Car, dit-elle, à cette époque de ma vie, j’étais laide. J’avais un front énorme, les yeux très enfoncés ; mon nez était le seul joli trait de mon visage pâle et amaigri. En outre, j’avais grandi si rapidement qu’il m’était impossible de me tenir