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LITTÉRATURE CONTEMPORAINE

dans sa vie, et comment ne pas être tenté de l’écrire lorsqu’on se sent une plume entre les doigts ? Dominique fut écrit en six semaines, pendant un séjour à Fontainebleau, et parut au printemps de 1862 dans la Revue des Deux-Mondes. Je dois dire que, sous cette forme et à ce moment, il n’eut aucun succès. Je me rappelle même distinctement avoir entendu Fromentin raconter qu’on avait, à la Revue, agité la question de savoir si l’on continuerait jusqu’au bout la publication de ces articles. Réunis en volume, ils ne rencontrèrent pas meilleur accueil. Je crois que je fus, dans la presse, le seul à signaler Dominique comme un ouvrage hors ligne. J’en avais été si frappé en le lisant morceau par morceau, que je voulus en rendre compte sans attendre que ces chapitres fussent devenus un livre. Mon empressement était fait pour flatter l’auteur, et c’est de là que datent nos relations, peu suivies malheureusement, mais où j’ai trouvé la jouissance d’observer, dans son expression personnelle, une nature trop souple et complexe pour être facile à déchiffrer. Fromentin me rappelait toujours ces chevaux arabes qu’il excellait à peindre, doués de plus de nerf que de muscle, dont la finesse et la grâce n’excluent pas la force, chez lesquels l’ardeur supplée ii la puissance. Quant à Dominique, je le répète, l’impression générale ne répondit point à la mienne. Le public resta aussi froid que j’avais été charmé. Et il a persisté dans son indifférence Dominique n’est jamais parvenu à la notoriété : la critique elle-même, et la plus avisée, ne l’a su comprendre ou goûter. L’article que Sainte-Beuve