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cette portion du peuple, qui, se souciant peu d’avoir une opinion, se constitue l’exécutrice des sentences qu’elle entend prononcer, et que son ignorance aggrave. D’où viennent ces dégoûtantes fureurs, ces attaques ignobles, véritables souillures de tout ordre social, véritable honte de toute police ? Cette populace, à laquelle on appliquerait facilement l’énergique mot des pharisiens (Jean VII, 49), si la pitié ne prévenait pas l’indignation, où puise-t-elle son emportement, si ce n’est dans les mauvaises plaisanteries de quelques esprits légers, et dans les bruits absurdes accueillis et accrédités par une classe trop cultivée pour y croire ? Qu’elle fasse entendre des huées, qu’elle bafoue, qu’elle insulte, tous ces mouvements de sa stupide colère accusent ceux qui l’ont fait naître et qui l’ont excitée par la coupable inconsidération de leurs propos. C’est donc eux véritablement qui bafouent et qui persécutent ; et tous ces désordres, sur lesquels ils expriment peut-être des premiers leur indignation et leur dégoût, c’est à eux qu’il faut les imputer. Cette parole est dure ; qui peut l’écouter ? Mais aussi qui peut la démentir ? La légèreté qui n’examine rien, l’opiniâtreté qui ne compare jamais, la présomption qui tranche toujours, conviennent mal à un peuple que la liberté politique appelle à être sérieux. Si notre peuple revêtait ces malheureuses dispositions ; si, dans ses préventions, il appelait secte toute opinion nouvelle, fanatisme toute manifestation énergique d’une conviction fondée, nous douterions de sa justice et nous craindrions pour son bonheur. »