Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/117

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La première édition des œuvres de Marie de Gournay est la plus intéressante des trois et l’Ombre a une saveur que les Advis n’ont plus aussi forte. La première rédaction des écrits de mademoiselle de Gournay est vivante et colorée. Ses retouches surchargent ses phrases, noient les expressions primesautières dans la poussière d’une abusive érudition. De plus il arrive que de 1626, pour ne point parler des ouvrages qui ont paru avant, à 1641 Marie s’est laissée, à son corps défendant, entamer par le purisme et influencer par cette Académie qu’elle blâmait si fort, mais où elle comptait beaucoup d’amis personnels. Il en résulte qu’elle modernise. Son style y perd ce charme à la Montaigne, cet imprévu qui en faisaient l’attrait. La conséquence des concessions arrachées à la vieille intransigeante par le goût des temps nouveaux est qu’elle est obligée de rajeunir sa langue pour assurer des lecteurs à ses plaidoyers en faveur des anciens mots et des anciennes tournures. D’ailleurs elle s’en rend compte, elle proteste, elle gémit, mais elle cède. Aussi c’est à l’édition de 1626 que j’emprunte de préférence mes citations des œuvres de Marie de Gournay. Contrairement à ce qui a lieu le plus souvent sa pensée définitive ne vaut pas sa pensée première. C’est lorsqu’elle est passionnée que sa prose a le plus d’accent.

Le souci de la perfection la tourmenta toute sa vie et jusqu’à son dernier jour elle couvrit les marges de ses livres de petits changements. Sur une feuille volante qu’elle colla dans les exemplaires de 1641 sur lesquels elle put encore mettre la main elle nota : « la correction de quelques erreurs obmises » et « quelques nouvelles lectures que le lecteur est prié de recevoir. » Et, après ce nouvel errata, elle ajoute ces lignes puériles et touchantes : « Permets, lecteur, ce dernier soin à une pauvre mere preste à quitter son enfant orphelin, et veuf de toute assistance. Je te recommande ce qui peut estre encore eschappé à ma derniere recherche. »


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Principaux ouvrages et articles à consulter : Tallemant des Réaux, Les historiettes. Paris, 1834. — Hilarion de Coste, Les éloges et les vies des reynes, des princesses, et des dames illustres en piété, en courage et en doctrine, qui ont fleury de nostre temps, et du