Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/131

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ravalle ainsi nostre condition ait esté prononcé par les oracles du Ciel. Certainement si nous avons recours au véritable tesmoignage de l’antiquité les exemples de tous les siecles passez, et l’authorité des plus grands personnages nous persuaderont tousjours le contraire. Aussi est ce, ce qui a esté desja prouvé avec autant de grâce que de suffisance par ce noble ornement de sa famille, mademoiselle de Gournay, dans le petit discours qu’elle a faict de l’égalité des hommes et des femmes, si bien que pour ne point me rendre ennuyeuse, en répétant des choses que l’on a desja dittes je n’allegueray pas une de ses raisons, ny ne toucheray pas mesme à la matière qu’elle a traittée. » L’influence de la fille d’alliance de Montaigne est si évidente qu’on l’aurait reconnue même si l’auteur ne l’avouait pas. Il y a là quelques phrases qui sont comme calquées sur celles de l’égalité des hommes et des femmes. André Rivet que Mademoiselle de Schurman interroge lui répond par une lettre du 18 mars 1638, où il débute ainsi : « Je ne croy pas devoir encourir vostre haine si contre la maxime de la demoiselle de Gournay je dis avec l’Apostre, que la femme est un vaisseau plus fragile que l’homme. » Et il invoque l’autorité du savant Vives qui s’est occupé avec sollicitude de l’éducation des femmes. Aussitôt Anne-Marie lui répond en mettant de l’eau dans son vin, si bien qu’elle a l’air de se contredire un peu. En réalité, c’est bien son avis qu’elle exprime cette fois-ci et elle le fait avec l’évidente intention de sauvegarder ce que la femme a de meilleur, ce qui est sa nature propre et profonde. « Mais tant s’en faut, s’écrie-t-elle, que je sois capable de céte haute vanité, qui est directement contraire à la modestie d’une fille et à cette pudeur que la nature a mise sur mon front. » Nous sommes loin de Marie de Gournay qui maudit sa timidité et la rougeur qui lui monte au visage quand elle défend son sexe. Anne-Marie dit encore : « Je ne sçaurois lire qu’à regret cet excellent discours italien que Lucrèce Marinelle a composé, et qu’elle a intitulé l’excellence des femmes et l’imperfection des hommes : voire mesme quoy que le petit traité de la demoiselle de Gournay qu’elle appelle de l’esgalité des hommes et des femmes ne soit pas sans grâce et sans élégance, et que les tesmoignages des sages qu’elle allegue soient des authoritez fort considerables, si est ce qu’il y a bien à dire que je suive en tout ses sentiments ; et si je vous en ay faict mention c’a esté plustost pour ne point repeter des exemples de nos loüanges que pour en