castain, le visage rond er qui ne se peut appeller ny beau ny laid[1] »
Vers dix-huit ou dix-neuf ans, Marie de Gournay mit, par hasard, la main sur les Essais de Michel de Montaigne, qui, parus en 1580, n’étaient pas encore un livre célèbre. Cette lecture fit sur elle une si profonde impression et l’enthousiasme qu’elle excita en elle fut tel, qu’on songea dans son entourage à lui administrer de l’hellébore[2] pour la calmer. On l’aurait même, tout de go, taxée de folie si elle n’avait appris à temps que Juste Lipse, dont l’autorité était grande, avait dès l’apparition des Essais décerné à leur auteur un brevet de haute sagesse. Pédante et savante avant même d’avoir puisé dans la connaissance de la vie l’expérience nécessaire à qui veut distinguer la vérité d’avec l’erreur, Marie de Gournay, avide de comprendre, se jeta sur ce livre qui pose tant de questions. Et de ces questions, dont la lecture forçait son esprit, elle fit autant de réponses. Toute l’incertitude qui se dégageait des observations de Montaigne devenait pour elle matière de foi. À travers l’œuvre elle cherchait l’auteur et croyait en lui. Dans son désir d’acquérir, même par voie
- ↑ Dans des vers adressés à son amie Catherine de Cypierre
nous trouvons les mêmes expressions :
- La moyenne hauteur borne nos deux corsages.
- Nos deux esprits sont ronds et ronds nos deux visages.
- ↑ « On estoit prest à me donner de l’hellebore… » (Préface des Essais, édit. 1595). – « L’admiration dont ils me transsirent… m’alloit faire reputer visionnaire. » (Préface des Essais, édit. 1635).