Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/22

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à Lipse ce jour-là, l’ignorait encore. Nous apprenons par cette lettre qu’une missive de Marie à Lipse s’est perdue ainsi qu’un petit traité sur l’alliance de son père et d’elle[1]. Dans cette nouvelle lettre, elle parle à Lipse de ses travaux, de ses projets, et elle lui envoie des vers à corriger. Elle lui demande de ses nouvelles et de celles de Montaigne dont elle ne sait rien depuis six mois.

L’humaniste répond le 23 mai de la même année à la fille d’alliance par une lettre de condoléance où il dit : « Nous sommes de faibles hommes, espèce privilégiée pourtant et d’origine céleste, mais enchaînée à la terre. Heureux ceux qui l’ont quittée et en sont affranchis ! Ton père d’alliance est de ceux-là. Je te l’apprends, si tu l’ignores, je te le confirme, si tu le sais : il n’est plus. Que dis-je ? Il nous a quittés, ce grand Montaigne ; il est monté vers les cimes éthérées de là-haut… Mais pourquoi regarder cette fin comme un malheur ! Lui-même sourirait de nous, s’il nous voyait lamenter. J’imagine qu’il a accueilli la mort avec enjouement, et qu’il en a triomphé même alors qu’elle semblait le vaincre. » Et Juste Lipse, savant et guindé, termine par un mouvement de

  1. « .…Mais d’autant que je me doubte que vous n’aurez point reçeu celle que je vous envoiay pour response par la voye de Sumnius avec un petit traicté sur l’alliance de mon pere et de moy. » Le Dr Payen (Bulletin du bibliophile, quinzième série, 1862, p. 1297) croit qu’il pourrait être ici question d’un traité perdu. Je ne le pense pas ; pour moi, c’est simplement d’une copie du Proumenoir qu’il s’agit. La lettre du 25 avril 1593 a été publiée par le Dr Payen dans le Bulletin du bibliophile, ibid., p. 1296-1901.