Page:Schiff - Marie de Gournay.djvu/31

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est une dame, voilà la suprême injure. Mademoiselle de Gournay s’applique à démontrer que ses hautes études ne la détournent de rien de ce qu’une femme doit faire et savoir dans son ménage, et que l’économie domestique n’a pas de secrets pour elle. Avec son habituelle candeur elle fournit à ses adversaires d’admirables arguments. Sachons-lui gré d’avoir parlé d’elle-même avec une aussi inlassable complaisance, puisqu’elle va nous fournir les couleurs dont nous avons besoin pour parfaire son portrait.

Installée définitivement à Paris, la « fille d’alliance », comme l’appelait Balzac[1], comprit que ses revenus, sans cesse rognés par les guerres, ne lui permettraient pas de vivre à sa guise sans de hautes protections. C’est alors qu’elle imagine de se « faire visiter » par des personnes capables de parler d’elle au roi. Son idée est simple : dépenser ce qu’elle a pour attirer l’attention et obtenir ainsi des pensions supérieures à ce qu’aurait pu être sa rente. Il est permis de croire que Marie de Gournay n’a trouvé cette justification que pour faire face au reproche de gaspillage dont on la houspillait. Elle soutient encore que les puissants s’honorent en secourant les

  1. Dans une lettre à Chapelain datée du 29 août 1644, Balzac écrit : « Quand il vous plaira, je verray dans un article de moins de six lignes le sujet que vous avez eu de vous desfaire de la fille d’alliance » et dans une autre lettre du même au même, datée du 23 octobre 1645, je trouve ceci : « triste et fascheuse vie, comme parle le père d’alliance de la Damoiselle ». Cf. Lettres de Jean-Louis Guez de Balzac, publiées par M. Philippe Tamizey de Larroque (Paris, 1873), lettre LVI, p. 169, et lettre CXIV, p. 316.