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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

l’ouest[1]. En sanscrit on l’appelle Soukhavati, « qui abonde en plaisirs », en tibétain Dévachan, « l’heureuse » ; les Chinois la nomment Ngyan-lo, « plaisir » ; Kyo-lo, « le plaisir suprême « ; Tsing-tou, « pur ou glorieux pays », et dans les livres sacrés elle est définie « la pure région, l’essence de prospérité. » Nous trouvons des descriptions de ce glorieux royaume d’Amitābha dans beaucoup de livres religieux[2]. Soukhavati est un immense lac ; sa surface est couverte de fleurs de lotus (Padmas) rouges et blanches, qui répandent un rare parfum ; ces fleurs forment la couche des hommes pieux qui pendant leur séjour sur la terre ont su s’élever par leurs vertus. Ces hommes, après s’être purifiées de leurs péchés, s’envolent dans leurs fleurs de lotus. Les habitants de cet Éden sont invités à une profonde dévotion par les chants merveilleux des oiseaux de paradis et n’ont qu’à souhaiter pour recevoir nourriture et habit sans qu’ils fassent aucun effort. Ils n’ont pas encore atteint l’état de Bouddha, mais ils sont sur le chemin direct qui y conduit ; ils jouissent du pouvoir de prendre la forme humaine et de revenir sur la terre ; dans ce cas ils ne sont point assujettis à la renaissance, mais retournent dans la région qu’ils avaient quittée. La renaissance dans une fleur de lotus du paradis s’obtient en invoquant les Bouddhas et plus particulièrement Amitābha.

Cette dévotion, selon le Tsing tu nen, traduit par Schott, possède un plus grand mérite que les sacrifices et les mortifications.

  1. Le bouddhisme primitif n’admet pas qu’une situation particulière soit imposée à Nirvāna. D’après le remarquable traité intitulé : Milinda pasna, traduit par Hardy dans ses livres sur le bouddhisme, le prêtre Nagasena (Nagarjouna), aurait répondu au roi Milinda de Sangala (environ 140 ans avant J.-C., voyez A. Weber, Indische Studien, vol. III, p. 121), qui l’interrogeait sur la nature, l’essence et la situation de Nirvâna. Nirvâna est partout où on peut observer les préceptes ; ils peuvent s’observer à Yawana en Chine, à Milata, à Alasanda, à Nikoumba, à Kâsi, à Kosâla, à Kashmir, à Ghandhara, aux sommets du Mahamérou ou de Brama-Lôkas : Nirvâna est partout, de même qu’on peut voir le ciel de tous ces points ou que tous ses lieux peuvent avoir un orient.
  2. Quelques-unes de ces descriptions ont été traduites du mongol et du chinois en langues d’Europe, par Pallas, Mongol. Völker, vol. II, p. 63. Sa traduction semble pourtant n’avoir pas rendu correctement le texte, voyez Schott ; Schmidt, (Geschichte Ssanang Ssetsens, p. 323, d. Bodhimör, Kowalewski dans sa Mongolian Chrestomathy) en russe, vol. II, page 319. Schott, Der Buddhaismus in Hoch-Asien, p 50, 59. Comparez aussi l’analyse du Soukhavati vyouha. Burnouf, Introduction, p. 99, et Czoma, As. Res., vol. XX. p. 439. Parmi les autres livres tibétains qui en donnent une description sont le Mani Kamboum et le Odpagmed hyi shing kod, disposition du pays d’Amitābha. La bibliothèque de Saint-Pétersbourg en possède une copie en mongol intitulée : Abida in oronou dsokiyal.