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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

dieux, génies et esprits malins

Les bouddhistes tibétains croient que bonheur et malheur proviennent également de l’intervention des dieux, des génies et des esprits malins[1]. Les dieux sont très nombreux ; ils tirent leur nature divine d’une parcelle de l’intelligence suprême, qui possède un pouvoir si grand et si illimité qu’elle peut se diviser entre un nombre infini de créatures. Tous les dieux sont donc des personnifications et des multiplications d’une seule et même sagesse suprême, créés dans le but de choisir le meilleur moyen de sauver l’humanité du samsara (le monde)[2]. En présence de tous ces dieux les lamas osent soutenir avec emphase que le monothéisme est le véritable caractère du bouddhisme.

Le nom collectif tibétain de ces divinités (dieux et génies) est Lha ; appellation similaire au sanscrit Deva, qui signifie un dieu, une divinité. Ils ont tous un nom particulier sous lequel ils sont adorés, comme ils ont aussi chacun une sphère particulière, hors de laquelle ils n’ont aucun pouvoir, mais dans laquelle ils ne subissent l’influence d’aucun autre dieu. Ils assistent matériellement les hommes dans leurs entreprises et éloignent les dangers dont ils sont menacés, actions qui leur procurent satisfaction et plaisir et qu’ils accomplissent dans un état de calme, Zhiva.

Il y a des divinités mâles et femelles ; ces dernières sont les épouses des dieux et tirent leur pouvoir de celui de leur époux ; d’autres sont douées de puissances spéciales qui leur sont propres. Parmi celles-ci sont les Samvaras (en tibétain Dechog), et les Héroukas, génies féminins dont le pouvoir égale celui des Bouddhas et dont on trouve les images dans plusieurs tableaux religieux[3].

  1. On trouvera dans les auteurs qui ont écrit sur le Tibet beaucoup d’exemples de cette croyance commune à tous les bouddhistes de race asiatique. Schmidt, Forschungen, p. 137 ; Ssanang Ssetsen, p. 252 ; Marsden, The travels of Marco Polo, p. 139, 163.
  2. Schmidt, dans les Mémoire de l’Académie de Saint-Pétersbourg, vol. I, p. 119.
  3. Csoma, dans son analyse, As. Res., vol. XX, p. 489, considère ces êtres divins comme deux dieux ou démons, et dans un autre passage, p. 491, il appelle le Hérouka un saint déifié qui ressemble à Siva et le Samvara un Dâkini. Il les prend donc tous deux au singulier ; mais Burnouf, Introduction, p. 538, doute que Samvara soit un nom propre et son opinion est appuyée par ce fait qu’on trouve plusieurs Samvaras et Heroukas dans les peintures, ainsi que dans le traité tibétain Dechogi gyout, qui signale de nombreux Héroukas et Samvaras. Il en est de même pour Shindje, le juge des morts (voyez p. 59), dont les aides, Doudpos, sont aussi appelés Shindjes.