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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Après ces sublimes Lamas, les premiers en dignité sont les supérieurs de plusieurs grands monastères ; quelques-uns d’entre eux sont regardés comme des incarnations, d’autres comme de simples mortels ; dans les deux cas les Lamas de ce si haut rang sont appelés Khampos[1]. Mes frères ont vu des Khampos dans les monastères de Lama Yourou à Ladak et de Thöling à Gnary khorsoum. Ils étaient natifs de Lhassa et avaient été nommés par le gouvernement du Dalaï Lama pour des périodes de trois à six ans, au bout desquelles ils devaient retourner à Lhassa. Les abbés des petits monastères sont nommés à vie par les moines ; mais leur élection doit être soumise à l’approbation du Dalaï Lama, qui la sanctionne ou la rejette.

Les Boudzads, surintendants des chœurs de chant et de musique pendant le service divin, sont encore des personnages supérieurs aux simples moines, ainsi que les Gebkoi qui sont chargés de maintenir la discipline et l’ordre. Ces dignitaires sont aussi élus par les moines et constituent avec l’abbé le conseil qui règle les affaires du monastère. D’autres dignités, que l’on trouve quelquefois dans de grands monastères, sont de simples postes d’honneur et ne donnent aucune influence directe dans l’administration[2].

Le titre de Lama, qui s’écrit en tibétain ḅlama, ne doit se donner qu’aux prêtres supérieurs seulement ; mais comme le mot arabe Sheikh et d’autres titres d’honneur ou de rang dans les langues d’Europe, le mot de Lama a fini par être regardé comme un titre que l’on doit donner par courtoisie à tous les prêtres bouddhistes[3].

Les astrologues, les Tsikhan (quelquefois appelés Kartsippa ou Chakhan, « diseur de fortune », Ngagpa, « expert dans les charmes »), forment une classe particulière de Lamas ; il leur est permis de se marier et de porter un costume particulièrement fantastique. Ces gens sont des diseurs de bonne aventure de profession, officiellement autorisés à conjurer et exorciser les mauvais

  1. À Bhoutan, les Khampos incarnés ont profité de circonstances politiques pour s’affranchir des Dalaï Lamas. Les rapports entre le souverain du Bhoutan, le Dharma Rinpoche (que les Indiens appellent Dharma-Raja) et Lhássa, semblent être relâchés, et les abbés des monastères des vallées du Sud ont ainsi établi des principautés presque indépendantes du Dharma Rinpoche. Ces Lamas, appelés Lamas Rajas par les compagnons d’Hermann, sont très jaloux de leur pouvoir, et firent tous leurs efforts pour empêcher Hermann d’entrer sur le territoire de Bhoutan en détournant ses domestiques.
  2. Comparez Pallas, Mongol-Völker ; vol. II, p. 117-137 ; Huc, Souvenirs, p. 297.
  3. Voyez Hardy, Eastern Monachism, p. 11. Gérard Koonawur, p. 119, dit qu’il a entendu appeler Gelong ou Gourou les supérieurs des monastères.