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LE BOUDDHISME AU TIBET

II. Le monde ou le Samsara, doit être abandonné non seulement parce qu’il est cause de chagrins et de douleurs, comme le disent Sākyamouni et les disciples d’Hināyāna, mais à cause de sa non-réalité, puisqu’il ne contient rien qui puisse satisfaire l’esprit.

III. Outre l’attachement aux objets existants, le simple fait de penser à un objet quelconque ou à ses propriétés suffit à empêcher la perfection finale et l’obtention de l’intelligence (Bōdhi) d’un Bouddha. L’homme doit donc non seulement refréner ses passions et s’abstenir des plaisirs de la vie, mais il ne lui est pas même permis de laisser quelque imagination devenir l’objet de sa méditation.

IV. La morale ordinaire ne suffit pas pour affranchir de la métempsycose. Ceux qui réellement s’efforcent d’atteindre l’émancipation finale doivent pratiquer assidûment les six vertus transcendantes ou cardinales.

Ces vertus sont : 1° Charité, 2° Moralité, 3° Patience, 4° Application, 5° Méditation, 6° Sincérité.

V. L’expression « Bodhisattva » a presque entièrement perdu son sens primitif pour prendre une double valeur. Dans un sens il s’applique à tous ceux qui pratiquent les six Paramitas ; dans l’autre aux êtres parfaits qui passent entre les différents mondes. Nous les voyons, dans les légendes, contemporains des Bouddhas, voyageant avec eux, écoutant leurs paroles, parfois envoyés par eux dans de lointaines régions porter un message, ou recevant des instructions particulières. Ces Bodhisattvas sont subdivisés en plusieurs classes ; les plus sublimes parmi eux sont presque égaux des Bouddhas, de qui ils sont peut-être émanés ; quelques-uns les croient supérieurs. Ils ont rempli toutes les conditions pour en acquérir la dignité et pourraient de suite devenir de parfaits Bouddhas s’ils ne préféraient, par une charité infinie pour les êtres animés, rester encore soumis à la loi de la métempsycose et se réincarner dans la forme humaine pour le bien de l’humanité. Une fois arrivés à l’état de Bouddhas ils ne pourraient plus contribuer au salut des hommes, ne se souciant plus du monde une fois qu’ils l’ont quitté[1]. Aussi les prières pour obtenir assistance sont-elles adressées aux Bodhisattvas qui se sont montrés si favorables aux hommes. Nous ne devons considérer l’action d’adresser

  1. Sur ce dogme important, voyez Hardy, Eastern Monachism, p. 228.